2021 : la conquête de l’espace
La Guerre des Étoiles est en cours : Des images impressionnantes de galaxies lointaines, très lointaines, de vaisseaux spatiaux et de méchants hors du commun papillotent sur l’écran. Un petit garçon japonais, fasciné par ce qu’il vient de voir, trouva ainsi sa vocation. Elle l’emmènera certainement loin de la Terre un jour. Takeshi Hakamada, CEO et fondateur d’iSpace, adorait Dark Vador et autres Luke Skywalker dès son enfance. Le film sera un élément déclencheur qui le poussa dans un premier temps à poursuivre des études en ingénierie aéronautique et à créer ensuite sa propre entreprise spatiale au nom d’iSpace. Mine de rien, sa start-up sera la première société privée à atterrir sur la lune d’ici deux ans, en 2021.
Doté d’un talent exceptionnel, Takeshi Hakamada décida en 2010 de rassembler un groupe de passionnés et de participer au concours Google Lunar X Prize avec son équipe nommée HAKUTO. La team HAKUTO – lapin blanc en japonais selon une croyance locale d’un lapin sur la lune – était parmi les cinq finalistes de ce concours prestigieux organisé par le géant du net et ayant comme objectif de relancer l’intérêt du secteur spatial pour la lune. Une collaboration avec une équipe néerlandaise avait été définie, mais lorsque cette équipe se retira du concours en 2013, l’équipe japonaise continua sa participation en développant notamment différents formats de rovers à déployer sur la lune.
Bien que le concours Lunar X Prize ait été annulé par Google en 2018, cette première aventure aura permis de tester la robotique et notamment différents concepts de rovers. L’équipe s’est rendue compte qu’il faudra aussi développer et construire son propre lander pour atterir sur la lune. Au début l’entreprise voulait utiliser le lander d’une autre équipe participant au concours de Google. Cette décision de construire in-house aussi bien des rovers qu’un lander, a convaincu les investisseurs à soutenir massivement la jeune start-up. L’entreprise iSpace leva ainsi quelque 90 millions de USD, permettant d’engager la majorité des collaborateurs de l’équipe HAKUTO (dont beaucoup avaient travaillé pro-bono jusque-là) et de financer les deux premières missions vers la lune, qui porteront le nom de HAKUTO-R en référence à l’équipe initiale avec laquelle tout a commencé.
Le financement pour les 2 premières missions trouvé, iSpace a multiplié les embauches d’experts spatiaux et d’ingénieurs, a ouvert une succursale européenne au Luxembourg en 2017 et compte actuellement plus de 70 collaborateurs issus de 14 pays. La succursale luxembourgeoise prévoit de recruter au moins 1 nouvel ingénieur par mois en 2019, faisant passer l’équipe à plus de 20 personnes en fin d’année.
Dans un futur proche et une galaxie pas si lointaine, une start-up nippo-luxembourgeoise sera donc la première entreprise privée à voyager sur la lune pour y déployer ses rovers et chercher de l’eau.
À long terme, la vision est encore plus ambitieuse : créer pour l’année 2040 un nouveau « monde » où Terre et lune forment un même système supporté par une économie basée sur l’espace. La lune pourra ainsi accueillir quelque 10.000 « touristes » par an.
Pour réaliser cette vision extraordinaire, une stratégie précise a été développée et mise en œuvre, comprenant actuellement 9 missions lunaires, dont les 2 premières, à caractère exploratoire et de test, se dérouleront d’ici 2 ans. Elles permettront dans un premier temps de voyager vers la lune et de graviter le satellite naturel avec le lander spécialement développé par iSpace (mission 1), avant d’atterrir avec le lander sur la lune, de déployer les rovers et de commencer l’exploration à la recherche de ressources, notamment de l’eau (mission 2 – 2021). Ces missions permettront de définir les meilleurs endroits pour atterrir et de tester le matériel, notamment les instruments sur le rover. La vision à moyen terme est d’extraire les matières premières trouvées (notamment l’eau sur les pôles) et de les utiliser pour permettre aussi bien une vie durable sur la lune, que de voyager vers d’autres planètes et astéroïdes à partir du satellite naturel. Dans ce contexte, la lune hébergera une station galactique aux portes de la Terre, ayant des caractéristiques favorables au transit intergalactique : les ressources nécessaires à la production d’énergie et une pesanteur environ six fois moindre que sur Terre.
Pour le transport de son lander et de ses rovers vers la lune, l’entreprise a fait appel à l’entreprise SpaceX d’un certain Elon Musk. Une fusée Falcon 9 transportera le matériel d’iSpace comme charge secondaire. iSpace est par ailleurs la première entreprise à acheter plusieurs lancements auprès de SpaceX. On nous explique ce choix : « Les fusées Falcon 9 de SpaceX représentent actuellement le meilleur moyen pour transporter un lander tel que le nôtre. Leur matériel est réutilisable, la durabilité est un facteur important pour iSpace. Et… ils sont moins chers que leurs concurrents. »
L’équipe japonaise se concentre actuellement sur les deux premières missions, et notamment le design du lander. L’équipe luxembourgeoise quant à elle travaille surtout sur les missions 3 à 10 et notamment au perfectionnement des rovers, de leur déplacement sur la lune, et de l’extraction de l’eau trouvée. Même lorsque l’entreprise comptera une centaine d’employés à la fin de 2019, dans le cœur, iSpace restera toujours une start-up. « C’est très important pour le fondateur et la direction » explique Maia Haas, Head of Communication auprès d’iSpace Europe.
Mais comment cette start-up innovante est-elle arrivée au Luxembourg ? Ce sont notamment les efforts de promotion entretenus par l’initiative SpaceResources et le gouvernement qui ont fait pencher la balance en faveur du Grand-Duché. La nouvelle agence spatiale, officiellement lancée en 2018, favorise également le développement de l’entreprise. « Le ministère de l’Économie nous a accompagné et soutenu dès le début. Nous avons trouvé une terre favorable à l’innovation spatiale au Luxembourg. Le Paul Wurth InCub est l’endroit idéal pour notre développement futur. » explique Lynn Zoenen, Global Affairs Manager auprès d’iSpace Europe. Le bureau européen de Luxembourg connaîtra par ailleurs un changement à la direction en 2019. En effet, Kyle Acierno, premier Managing director d’iSpace au Luxembourg, continuera ses travaux désormais au Japon où il deviendra Head of Global Sales. C’est Julien-Alexandre Lamamy, actuel responsable de l’équipe des ingénieurs au Luxembourg, qui reprendra cette fonction courant 2019.
Pour terminer notre visite, nous nous dirigeons vers la « lune » de la Rue de l’Industrie au quartier Gare de Luxembourg : un grand hangar appartenant aux locaux et contenant sa propre surface lunaire sur laquelle le matériel de l’entreprise, et notamment les rovers, sont testés dans des conditions quasi réelles. « Nous avons spécialement mélangé cinq sortes des sables (roches, minéraux…) pour nous rapprocher le plus possible de la surface que nos rovers trouveront sur la lune », explique Carlos Espejel, expert en exploitation minière et qui devra appliquer l’expérience gagnée sur Terre pour planifier la future exploitation minière sur la lune.
Les rovers auront un temps d’autonomie de 14 jours, l’idée finale étant de trouver les ressources nécessaires à la production d’énergie sur la lune, de l’utiliser directement pour recharger les rovers, et aussi permettre de voyager plus loin dans l’espace.
Les profils employés chez iSpace sont multiples et spécifiques. Alors qu’il y a des services plus classiques tels que la communication, le Business Development ou encore les affaires gouvernementales, la plupart des collaborateurs sont des ingénieurs et scientifiques, responsables à chaque fois d’une partie du projet. On y trouve p.ex. des ingénieurs en mining terrestre et lunaire, des ingénieurs en navigation des rovers, des ingénieurs en système de contrôle des missions, etc. Les ingénieurs représentent quelque 2/3 des 70 personnes globalement employées, proportion retrouvée au bureau européeen à Luxembourg.
Finalement, quelle est la situation légale dans l’espace et sur la lune ? On nous explique que la lune n’appartient à personne. Personne n’aura le droit de la « posséder », mais on aura le droit de posséder les ressources trouvées sur le satellite naturel. L’entreprise ne prévoit pas de ramener ce matériel sur Terre. Il sera transformé et, le cas échéant, utilisé sur la lune pour la production d’énergie, p.ex.
Voilà ce qui se fait de concret dans le secteur spatial luxembourgeois. Avec l’entreprise iSpace, le Grand-Duché a su attirer une start-up à la pointe de la technologie, innovante et tournée vers l’avenir. Alors que leur vision peut sembler utopique, cette start-up sise Rue de l’Industrie posera bientôt les roues de ses rovers sur la lune. Et le Luxembourg fera partie de la belle aventure.